Le droit à l’alimentation : un levier pour soutenir les petits exploitants agricoles

Face à la faim qui persiste dans le monde, le droit à l’alimentation s’impose comme un outil juridique puissant pour défendre les intérêts des petits agriculteurs, garants de la sécurité alimentaire mondiale. Cet article examine les politiques novatrices qui allient ce droit fondamental au soutien des petits exploitants.

Les fondements du droit à l’alimentation

Le droit à l’alimentation est reconnu comme un droit humain fondamental par plusieurs instruments juridiques internationaux. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 l’inclut dans le droit à un niveau de vie suffisant. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 le consacre explicitement dans son article 11. Ce droit implique que chaque individu doit avoir accès à une nourriture suffisante, saine et nutritive pour mener une vie saine et active.

Les États ont l’obligation de respecter, protéger et donner effet à ce droit. Cela signifie qu’ils doivent s’abstenir de prendre des mesures qui entravent l’accès à l’alimentation, empêcher les tiers de priver les individus de cet accès, et mettre en place des politiques qui facilitent la réalisation progressive de ce droit pour tous.

Le rôle crucial des petits exploitants agricoles

Les petits exploitants agricoles jouent un rôle essentiel dans la réalisation du droit à l’alimentation. Selon la FAO, ils produisent plus de 80% de la nourriture consommée dans les pays en développement. Pourtant, ils font partie des populations les plus vulnérables à l’insécurité alimentaire et à la pauvreté.

Les défis auxquels font face ces agriculteurs sont nombreux : accès limité aux ressources productives (terre, eau, semences), manque de financement, vulnérabilité aux changements climatiques, et concurrence des grandes exploitations industrielles. Soutenir ces petits producteurs est donc crucial pour garantir la sécurité alimentaire mondiale et réaliser le droit à l’alimentation.

Politiques de soutien aux petits exploitants

De nombreux pays ont mis en place des politiques innovantes pour soutenir les petits agriculteurs tout en promouvant le droit à l’alimentation. Le Brésil, par exemple, a lancé le programme Fome Zero (Faim Zéro) qui combine des transferts de revenus aux familles pauvres avec des achats publics de produits agricoles auprès des petits producteurs. Cette approche a permis de réduire significativement la faim tout en soutenant l’agriculture familiale.

L’Inde a adopté en 2013 la Loi nationale sur la sécurité alimentaire, qui garantit l’accès à des céréales subventionnées pour près de deux tiers de la population. Cette loi prévoit des achats prioritaires auprès des petits et moyens agriculteurs, créant ainsi un débouché stable pour leur production.

En Afrique, le Malawi a mis en place un programme de subvention des intrants agricoles ciblant spécifiquement les petits exploitants. Cette initiative a permis d’augmenter significativement la production de maïs et d’améliorer la sécurité alimentaire du pays.

Le rôle du droit international

Le droit international joue un rôle croissant dans la promotion de politiques favorables aux petits agriculteurs. Les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers, adoptées par la FAO en 2012, fournissent un cadre pour sécuriser les droits fonciers des petits producteurs, élément crucial de leur capacité à produire de la nourriture.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018, va plus loin en reconnaissant explicitement les droits spécifiques des paysans, y compris le droit aux semences et à la biodiversité. Bien que non contraignante, cette déclaration offre un outil puissant pour plaider en faveur de politiques de soutien aux petits exploitants.

Défis et perspectives

Malgré ces avancées, de nombreux défis persistent. La mise en œuvre effective des politiques de soutien aux petits agriculteurs se heurte souvent à des obstacles budgétaires, administratifs ou politiques. La pression exercée par les accords commerciaux internationaux peut limiter la marge de manœuvre des États pour protéger et soutenir leurs petits producteurs.

Les changements climatiques représentent une menace croissante pour les petits exploitants, particulièrement vulnérables aux événements météorologiques extrêmes. Des politiques d’adaptation et de résilience climatique spécifiquement conçues pour les petits agriculteurs sont nécessaires.

L’avenir du droit à l’alimentation et du soutien aux petits exploitants passe par une approche intégrée, combinant des politiques nationales ambitieuses avec un cadre juridique international renforcé. Le développement de systèmes alimentaires locaux, la promotion de l’agroécologie, et le renforcement des organisations paysannes sont des pistes prometteuses pour concilier droit à l’alimentation et soutien aux petits producteurs.

Le droit à l’alimentation et le soutien aux petits exploitants agricoles sont intrinsèquement liés. Les politiques innovantes mises en place dans divers pays montrent qu’il est possible de promouvoir simultanément ces deux objectifs. Le défi pour l’avenir sera de généraliser ces approches, en s’appuyant sur un cadre juridique international renforcé et des politiques nationales ambitieuses.